Numérique, interactive et multilingue, l’exposition « 14-18 » est destinée à faire écho jusqu’en 2018 aux multiples événements qui, dans de nombreux pays, marqueront la commémoration de la Grande Guerre. Mise à la disposition du réseau culturel et des établissements d’enseignement français à l’étranger, elle met l’accent sur la dimension internationale du conflit, à travers de très nombreuses archives.
Destinée à faire écho jusqu’en 2018 aux multiples événements qui, dans de nombreux pays, marquent la commémoration de la Grande Guerre, l’exposition numérique « 14-18 » met l’accent sur la dimension internationale du conflit, à travers de très nombreuses archives.
À l’intérieur d'un développement chronologique, elle se déploie selon un plan volontairement éclaté afin d'exprimer la multiplicité des vécus de la guerre sur les différents continents. Cet éclatement permet d'évoquer à la fois :
• la diversité des logiques qui ont conduit les mondes européen et extra-européen à s’y impliquer : par fidélité ou loyauté, par nécessité nationale ou de force parce qu'objets des ambitions territoriales des belligérants, par le jeu des alliances entre empires coloniaux ou pour défendre une mère patrie bien lointaine ;
• la diversité des fronts : si le théâtre des opérations s’incarne bien souvent dans les batailles du nord de la France, le front oriental convoque des rapprochements inédits de populations sur un même territoire comme les australiens, les français, les anglais et les serbes qui se retrouvent à Gallipoli, posant ainsi les jalons de leur place dans le monde d’après-guerre ;
• la diversité des expériences: comme celle des colonies soumises à l’impôt du sang (Guadeloupe, Martinique, Nouvelle-Calédonie, Madagascar) qui découvrent pour la première fois leur métropole, la mère patrie fantasmée laissant la place à une réalité extrêmement violente ;
• la diversité des perceptions entre les fronts et les arrière fronts. Il s'agit aussi d'esquisser le récit des sociétés en état de guerre, et de son impact sur les populations civiles qui partagent l’effort de guerre – en prenant la relève dans les industries – ou le quotidien des pays occupés, comme la Belgique ou la Pologne.
Le projet a été réalisé en partenariat avec la Mission du Centenaire pour la rédaction des contenus et la direction scientifique ainsi que l'AEFE, qui déploiera l'exposition dans de nombreux établissements scolaires français à l'étranger, tirant ainsi parti de sa vocation pédagogique.
- http://www.institutfrancais.com/14-18
- Téléchargement de l'application IF 14-18, nécessaire à la lecture des multiples contenus accessibles au travers des QR codes répartis sur la fresque ici.
Parmi les nombreuses initiatives auxquelles le Centenaire de la Grande Guerre a donné lieu, qu'est-ce qui fait la particularité de l'exposition "1914-1918" ?
Nous sommes partis d'une ambition simple : puisque l'exposition a vocation à être montrée dans le monde entier, et puisque le format numérique permet de s'affranchir des barrières linguistique, nous avons cherché à montrer en quoi la Grande Guerre est, au sens strict, un conflit mondial. Il faut rendre à l'expression "première guerre mondiale" tout son sens, ou plutôt ses multiples sens : mondiale, la guerre qui commence en 1914 l'est bien sûr parce qu'elle implique des combattants des cinq continents, et se déploie sur de multiples fronts. L’essentiel des opérations terrestres se déroulent sur le front occidental et le front oriental mais on se bat également en Afrique, en Asie, dans les pays arabes, la guerre sous-marine et les progrès de l’aviation donnent également une ampleur inédite à ce conflit. Mais la Grande Guerre est également mondiale parce qu'elle découle d'une situation géopolitique globale ; elle reprend, prolonge ou fait dévier de multiples conflits - des guerres des Balkans à la guerre américano-mexicaine ou aux guerres coloniales. Enfin, cette guerre est mondiale parce qu'elle va accoucher d'un monde nouveau, où prendront place les conflits du XXe siècle : pensons aux décisions prises dans l'urgence des combats, les accords Sykes-Picot et la déclaration Balfour, les promesses non tenues à l’Italie, le refus d’insérer dans la charte de la SDN l’égalité des races... toute une série d'aveuglements politiques qui pèseront lourd sur l'avenir du monde. La Grande Guerre ne fait pas seulement tomber quatre empires (ottoman, russe, allemand, austro-hongrois): ses conséquences s'étendent sur toute la planète, et même les pays neutres n'y échappent pas.
Réunir ces multiples aspects au sein d'une même exposition pose, on l'imagine, de nombreux problèmes scientifiques...
Bien sûr, tout récit historique, implique un choix et une sélection. Chaque délégation présente à la Conférence de la Paix en 1919 aurait mérité que l’on en parle mais nous avons choisi de montrer le document dans lequel la délégation japonaise formule sa demande d’une clause d’égalité des races dans la charte de la SDN, demande qui a été refusée. Cela permet de montrer l’impensé colonial à la sortie de la guerre. Mais proposer une histoire mondiale de cette guerre suppose aussi de se confronter à la disparité des données disponibles selon les pays et les continents. Les archives et les informations dont nous disposons varient beaucoup, selon les préoccupations des Etats pendant et après la guerre. Par exemple, compter et connaître le nombre de morts n'a pas eu le même sens en France, où les combats ont eu lieu et où des classes d'âge entières ont été décimées, et au Brésil, où la participation au conflit de troupes par ailleurs peu nombreuses a soulevé des questions liées à la composition et à la cohésion nationales du pays. En faisant voisiner ces mémoires différentes, ce que l'exposition donne à voir, c'est à la fois l'unité de l'événement et la diversité des regards portés sur le conflit, dans la configuration politique nouvelle qui est sortie de la guerre. A leur manière, les lacunes et les inégalités de l'archive sont aussi des témoignages historiques.
Même la chronologie du conflit se trouve compliquée, si on l'aborde à l'échelle mondiale...
En effet. Les combats se poursuivent après 1918 : par exemple les frontières du nouvel Etat polonais ne seront ainsi fixées qu’en 1921 après une paix signée avec la Russie soviétique, des médailles du souvenir britanniques mentionnent une « Great War 1914-1919 ». L’exposition est organisée en fonction de bornes chronologiques conventionnelles qui nous permettent de proposer des repères mais aussi des points de départ sans volonté de « clore » l’histoire. Les temps forts de commémoration diffèrent d’ailleurs aussi selon les pays : l’Australie et la Nouvelle Zélande se mobilisent chaque année autour du souvenir de Gallipoli le 25 avril ; en ce qui concerne la Russie il y a une concurrence mémorielle très forte entre la Première Guerre Mondiale et la Révolution de 1917.
Extension géographique, diversité des mémoires et des calendriers... peut-on dire également que la Grande guerre est "mondiale" au sens où, bien au-delà des épisodes militaires, elle transforme tout l'univers social dans lequel les individus et les peuples évoluent ?
Tout à fait. On ne peut faire une histoire de la guerre de 1914-1918 sans s'intéresser à l'histoire interne des Etats, sans remarquer par exemple que les régimes politiques démocratiques s’en sortent mieux dans la répartition des ressources entre le front et l’arrière. L'exposition fait également une large place à l’engagement des intellectuels et des scientifiques, ainsi qu'à la manière dont l'impact du conflit sur le statut des femmes et sur les droits des populations colonisées a été reconnu ou nié. Il s’agit de donner à voir l’aspect militaire et politique, mais de lui associer aussi une histoire sociale de la guerre, qui engage les sociétés en profondeur.