Prise de parole - juin 2024
Depuis 2014, Olivier Forest et Benoît Hické élaborent la programmation du festival dédié aux récits des musiques par le cinéma. Nous les avons interrogés sur la genèse et l’esprit de F.A.M.E.
Comment est née l’idée de F.A.M.E ?
Benoît Hické : On avait en commun l’idée que les films sur la musique pouvaient nous permettre de décrypter le monde. J’avais travaillé pour La Semaine de la critique et différents festivals et j’avais envie de renouer avec l’énergie d’un festival. Envie de retrouver ce moment où se met en place une énergie collective pour organiser un événement singulier. On aimait l’idée d’organiser F.A.M.E à la Gaîté Lyrique, qui est un lieu dédié à la création contemporaine la plus hybride, la plus décloisonnée possible. On trouvait que cette salle pouvait être une formidable boîte à outils pour le festival, avec cette salle de concert qu’on peut moduler, et ce plateau bar qu’on peut transformer en espace de conférences.
Olivier Forest : De mon côté, j’avais fondé avec des amis le festival Filmer la Musique (2007-2011), qui était le premier festival en France de films sur la musique. Benoit menait Musiquepointdoc à la Gaîté - ça nous a semblé naturel d’unir nos forces et nos envies pour créer F.A.M.E. ll nous semblait que rassembler et présenter des films sur la musique avait toujours un sens, qu’il y en avait encore plein à découvrir, et que de nouveaux surgissaient chaque année. Plus généralement, il y avait l’envie de sortir de l’habituelle sélection de « films rock », centrée sur l’âge d’or des années 60/70, et d’aller explorer des démarches plus contemporaines, d’autres horizons, cinématographiques et musicaux.
Benoît Hické, directeur artistique de F.A.M.E
Qu’est-ce-qui fait un bon film sur la musique ?
Benoît Hické : On préfère programmer un bon film sur un mauvais musicien que l’inverse. Avec F.A.M.E, on n’est pas dans des affaires de bon goût supposé en termes de musique ou d’esthétique. D’ailleurs pour moi le film sur la musique ne constitue pas un genre. C’est toute l'ambiguïté du festival.. Nous, on parle de cinéma. On a dû trouver une catégorie pour spécifier ce qu’on fait, pour être plus visible et compréhensible bien sûr… Mais le cahier des charges F.A.M.E, c’est que le film parle du monde contemporain, qu’il épouse le monde et nous apprenne des choses. C’est ce qui fait un bon film sur la musique à mes yeux. Un mauvais film musical, en revanche, c’est le film de fan, qui n’est pas un film de cinéma, fait à l’arrache avec des archives pas clearées ou négociées. Ce qu’on cherche dans un film sur la musique, c’est un regard de vrai cinéaste. La musique peut donc être accessoire ou une toile de fond.
Olivier Forest : Un bon film sur la musique, c’est un film où la caméra se tourne vers le public, vers tout ce qui entoure le musicien, et ne reste pas enfermée dans le studio ou sur la scène. Et le le point commun des sélections de F.A.M.E, c’est qu’il y a toujours quelque chose en plus qui se raconte en parallèle à la musique : on traverse des lieux, des époques, des situations politiques... Un film sur la musique doit permettre de parcourir le monde et l’histoire du point de vue des cultures populaires - celles qui vibrent et réagissent instantanément à tous les soubresauts du monde. La musique comme réactif, sismographe - influencée par l'époque, et qui l’influence en retour.
Quel film sur la musique vous avait marqués avant d'avoir créé F.A.M.E ?
Olivier Forest : The Wild World of Hasil Adkins de Julien Nitzberg, sur le prophète fou du rockabilly, complètement halluciné dans sa cabane, entre les carcasses de voitures et les passages dans la cellule de dégrisement du village. Comme il a poursuivi le réalisateur avec un fusil, le film est plus court que prévu. C’est cru, c’est rugueux, c’est drôle, c’est fragile.
Benoît Hické : Step Accross the Border de Nicolas Humbert, sur le musicien britannique Fred Frith, un des films indépassables quand on parle de films sur la musique. Cela documente la tournée mondiale de ce musicien expérimental, très cinégénique. Il est filmé aux quatre coins de la planète, de manière extrêmement libre. Un musicien free filmé de manière free. Une vraie partition visuelle qui épouse les expérimentations musicales, qui a déjà été programmée ici. C’est un film génial à faire découvrir.
Olivier Forest, directeur artistique de F.A.M.E, © Vincent Ducard
Pourquoi ce nom de festival ?
Benoît Hické : F.A.M.E, c’est très polysémique, c’est à la fois la comédie musicale, c’est Bowie, les paillettes et le punk...
Olivier Forest : F.A.M.E, c’est glamour et populaire, c’est un danseur couvert de paillettes qui se réinvente sur le dancefloor, un groupe qui crée un son inouï au milieu de nulle part, un type qui met des clous sur sa veste en jean dans son village…
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